L’Etat et la politique publique des langues

11 séances de 3h

Il s’agit d’un cours qui porte sur la co-construction d’un Etat et d’une ou plusieurs langue(s) nationale(s). Ce cours croise les perspectives pour aborder les politiques publiques des langues.

Détails du cours

  • Approche historique : Langue et construction nationale – France et Italie au XIXème siècle, Emmanuel Fureix et Catherine Brice, Professeurs d’histoire, UPEC-CRHEC

Le XIXe siècle, siècle de construction ou de consolidation des États-nations, est un observatoire très riche des politiques de la langue. Le lien entre sentiment national et langue partagée, et la dialectique entre unité et pluralité des langues se posent avec une acuité particulière. Deux cas seront étudiés : la France et l’Italie.

En France, la Révolution donne à la question linguistique une tournure très politique. La “lutte contre les patois” est mise à l’ordre du jour au nom de l’émancipation des citoyens et de la lutte contre des “dialectes corrompus, restes de la féodalité”. Un siècle plus tard, la politique scolaire de la Troisième République, de même, pourchasse les langues régionales des salles de classe. Mais des accommodements ont été possibles, et la réalité vécue à la fin du XIXe siècle demeure celle d’un plurilinguisme. Cette complexité se traduit dans le développement des régionalismes littéraires à la Belle-Époque, ou encore dans la politique d’enregistrement sonore des patois dans des “Archives de la parole”.

L’Italie, quant à elle, est devenue tardivement un Etat unifié, en 1861. Le problème de la langue s’est posé dès la naissance du sentiment national, à la fin du XVIIIème siècle. En effet la reconnaissance d’une culture commune justifiant la création d’un État-nation unifié passait par la reconnaissance d’une langue italienne partagée. Or paradoxalement la langue italienne n’existait que dans une frange étroite de la population, les langues ou dialectes locaux et régionaux étant bien davantage utilisés. Derrière cette « invention » d’une langue italienne dont témoigne alors le culte à Dante Alighieri – le sommo poeta- , c’est un aspect du « nation state building » que l’on voudrait aborder avant de montrer comment cette question de la langue s’est révélée un puissant outil d’intégration étatique sans que la tension local/national ne disparaisse.

  • Approche juridico-historique : Structuration linguistique des institutions et construction de l’Etat moderne (XIII-XVIIIème) – France et Royaume-Uni, Frédéric Martin, Professeur d’histoire du droit, UPEC-MIL

L’accroissement des migrations aux XXe et XXIe siècle pourrait laisser penser que les situations de plurilinguisme et de diglossie juridiques sont des phénomènes récents. La lente construction des États modernes en Europe apporte à ce préjugé un démenti formel. L’affirmation d’une langue « officielle » de l’État n’est que très progressive. En France et en Angleterre comme pour bien d’autres États en construction, un plurilinguisme spécifique aux institutions vient longtemps s’ajouter au plurilinguisme de la société. Il s’agira ici de présenter les manifestations variées de ce plurilinguisme institutionnel, ses transformations au cours du temps et les enjeux que cela traduit quant aux relations entre langue du pouvoir, langue du droit et société.

  • Approche de communication politique : Autorité discursive des institutions dans un contexte de multilinguisme et dans le monde francophone, Claire Oger, Professeure en science de l’information et de la communication, UPEC-CEDITEC

Ce module s’intéresse à la construction de l’autorité dans le discours des institutions et se penchera plus particulièrement sur le contexte plurilingue des organisations internationales ou supranationales. Il examinera, dans une perspective interdisciplinaire deux principales questions : la première est celle de la performativité des discours produits par les institutions, susceptible de faire advenir des réalités sociales et des acteurs politiques nouveaux. La seconde est celle de la production d’un discours neutralisé qui opère l’effacement de la contradiction et du dissensus.

  • Approche linguistique : Standardisation et normalisation d’une langue nationale : le cas du français Frédérique Sitri, professeure de sciences du langage, UPEC-CEDITEC

En s’appuyant sur les principales étapes de la constitution du français comme « langue commune », on abordera sous un angle linguistique les enjeux de la standardisation et de la normalisation d’une langue. On se propose en particulier de montrer à partir d’exemples concrets, passés ou plus récents, comment s’articulent régularités du système, évolution des usages et interventions normatives de l’Etat et des « experts » de la langue (imprimeurs, grammairiens, lexicographes…).

  • Approche juridique : Les territoires linguistiques à l’épreuve de l’égalité et de l’unité de l’Etat de la révolution à nos jours, Manon Altwegg Boussac, Professeure de droit public, UPEC-MIL

La tradition juridique française est, depuis la révolution, marquée par une “obsession de l’uniformité” (G. Bigot) hostile à toute forme de différenciation territoriale et linguistique. Ces quelques heures de cours seront l’occasion de revenir sur la neutralisation juridique des revendications des identité locales (et linguistiques). Deux angles seront proposés. Il s’agira d’abord d’expliquer comment l’Etat unitaire a forgé, à partir de la révolution française, une conception spécifique de l’égalité devant la loi. Les exemples espagnols et italiens offriront un horizon intéressant pour la comparaison. Il s’agira ensuite d’approfondir le contentieux constitutionnel contemporain et de réfléchir aux conditions dans lesquelles un traitement différencié, conforme au principe d’égalité, peut être justifié par une différence de situation (territoriale, historique culturelle) ou par un intérêt public défini.

  • Approche didactique : Plurilinguisme à l’école, Véra Delorme et Joelle Aden, Professeures de sciences du langage

L’enseignement des langues, en tant qu’instrument d’une politique linguistique, repose sur des considérations spécifiques qui concernent non seulement le choix des langues à enseigner – ou ne pas enseigner – mais aussi les méthodologies d’enseignement à appliquer dans tel ou tel contexte éducatif. Nous nous intéresserons particulièrement à l’actualisation des politiques linguistiques européennes dans le système scolaire français et aux retombées de ces politiques sur les inégalité sociales.

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